
Une cascade de cheveux blonds, des yeux bleus éclatants, un sourire éclatant, on a du mal à imaginer qu’on est face à une jeune femme qui vient de perdre l’homme de sa vie à cause d’un cancer éclatant. Dans “En direct d’après Marc” (éditions Hermann), préfacé par Delphine Horvilleur, Noémie Sylberg, ancienne avocate devenue agent immobilier, revient sur l’histoire qui a changé sa vie. La découverte d’une tumeur maligne en janvier 2020 dont la progression ne laissait aucune chance à son mari Marc. Qui mourra un an plus tard, laissant derrière lui une jeune veuve et deux enfants âgés de trois et cinq ans. De cette pièce, Noémie Sylberg a tiré une ode à la vie, rappelant ses souvenirs pour raconter une histoire solaire et une leçon de courage face à l’inévitable. Et de laisser, entre autres, un témoignage inestimable pour ses deux enfants, Ethel et Adam.
Nous avons joué la musique qu’il aimait et dansé ensemble pour lui dire au revoir de la manière la plus joyeuse possible.
ELLE. – Quand avez-vous commencé à écrire ce livre ?
Noémie Sylberg. – La veille de la mort de Marc, ça s’est imposé à moi. Ça m’a pris à la gorge, j’ai ressenti un besoin viscéral. Il était déjà dans le coma, mais je me suis assis à côté de lui et j’ai commencé à raconter notre histoire.
Et tu as continué ?
J’ai arrêté pendant la semaine qui a suivi sa disparition, puis j’y suis retourné, comme un rendez-vous quotidien avec lui, et je me revois, le sourire aux lèvres malgré la tristesse, penché sur mon ordinateur, rappelant nos souvenirs. Ça m’a permis d’analyser ce que je vivais, les différentes étapes, et de réaliser que je pleurais sa vie.
Comment te sentais-tu?
Paradoxalement, je me sentais bien, et en plus, ça m’étonnait. Alors je me suis dit que ce livre pouvait être un message d’espoir, car c’était incroyable pour moi d’être dans l’état dans lequel j’étais après avoir vécu ce drame.
Tout a commencé par des douleurs articulaires ?
Marc était hypocondriaque et moi pas du tout. Donc, l’articulation douloureuse ne signifiait rien de grave pour moi. Puis, petit à petit, ce qui n’était que bénin est devenu une maladie grave.
Dites-moi, quand ça devient plus compliqué, la difficulté d’être à la fois épouse et mère ?
C’est le Dr Jekyll et M. Hyde. C’est tellement dur parce que j’ai dû faire bonne figure pour fêter l’anniversaire de ma fille alors que Marc souffrait à l’hôpital, garder la bonne humeur alors que je n’étais qu’une boule d’angoisse, puis partager son quotidien entre passer du temps avec lui et avoir des enfants à charge. Heureusement, je pouvais compter sur beaucoup de soutien de ma famille. Et j’ai expliqué aux enfants que leur papa est dans la “maison du docteur”, que c’est mieux ainsi car il y a une immense armoire avec beaucoup de médicaments et qu’ils vont pouvoir le soigner.
Quand est-ce que tu réalises que c’est sérieux ?
J’ai eu plusieurs chocs. La première, c’est lorsque nous avons reçu les résultats de l’imagerie, que nous avons découvert qu’il avait une tumeur et des métastases. Comme tout le monde, je m’inquiétais du cancer, d’autant plus que les meilleurs amis de mes parents en étaient morts. Et c’était mon obsession. Cependant, je savais que ma vie ne serait pas la même. Et le deuxième choc, c’est quand je me suis retrouvée seule avec l’oncologue, et il m’a dit que les traitements ne fonctionnaient pas et que Marc ne les avait que depuis quelques mois.
D’où as-tu tiré ta force ?
Marc voulait absolument que personne ne le sache. il était avocat et il voulait absolument continuer à travailler, et il détestait l’idée de s’apitoyer sur son sort. Moi, je n’avais que ma famille et un ami psychologue à qui je pouvais me défouler, mais en réalité, dans un tel drame, on est vraiment seul.
Comment avez-vous réussi à tenir le coup ?
Tout d’abord, nous n’avons pas le choix. Le soir, je sortais sur le balcon en fumant cigarette sur cigarette, n’ayant personne avec qui la partager, et au début c’était difficile pour moi, je ne peux pas en parler. Puis ça m’a donné de la force, ça m’a permis de toujours garder la tête haute, de sourire et de toujours avancer.
Comment expliquer à vos enfants que leur père est malade ?
J’ai été aidé par un psychologue. Il m’a donné un livret pour apprendre aux enfants à parler du « cancer ». Quelques choses m’ont sauté aux yeux : que les enfants ont tendance à se croire responsables, donc il faut leur dire que ce n’est pas de leur faute, leur expliquer que les médecins font tout pour maintenir la confiance dans le corps médical, utiliser le mot la médecine, et non la drogue, leur apprendre la notion du temps et d’avertir leurs professeurs qui étaient hyperattentifs.
Raconter une très belle histoire d’amour, jusqu’au bout, se soutenir ?
C’est ainsi que nous avons toujours fait des affaires. On se connaissait bien, quand l’un faiblissait, l’autre prenait le relais. Nous avions une relation très étroite.
Quand tu sens que c’est inévitable, comment préviens-tu Ethel et Adam ?
D’abord, ils se sont un peu préparés car son état empirait de jour en jour. À un moment donné, je leur ai dit que parfois les médecins ne pouvaient rien faire. Puis à la toute fin, alors qu’il était dans le coma, je leur ai dit qu’il s’était endormi et qu’il ne se réveillerait plus.
Vous les avez emmenés dire au revoir à leur père ?
Oui, je le voulais et c’était important pour eux. Continuer. pour leur construction. Nous sommes entrés dans sa chambre, les lumières étaient tamisées et ils nous ont dit au revoir. Puis j’ai réalisé que Marc était mort, mais c’était le soir et je ne voulais pas leur dire. J’ai préféré qu’ils dorment paisiblement. Mais ce fut une des pires nuits de ma vie, me disant que le lendemain je devais dire à mes enfants que leur père était mort.
Quels mots as-tu utilisé ?
Je leur ai dit que son cœur avait cessé de battre et qu’il avait cessé de respirer. Je n’ai pas caché que je pleurais, je leur ai dit que cela se reproduirait, mais cela ne nous empêchera pas d’être heureux. C’était la promesse que j’avais faite à leur père. Et puis comme c’était mercredi, je leur ai dit qu’aujourd’hui ils ont le droit de faire ce qu’ils veulent : manger ce qu’ils veulent, ne pas faire la sieste, regarder la télé…
Tu lui as parlé de ses funérailles, il voulait que ces enfants soient là, mais il t’a demandé de faire ce que tu penses ?
J’ai parlé à plusieurs psychologues et personne n’a décidé. L’un d’eux m’a dit qu’il est important de faire le deuil et que vous pouvez le faire à la maison. Nous étions en janvier, il faisait froid, gris et je n’avais pas l’impression que ce soit leur place pour assister à une si triste cérémonie. Je leur ai expliqué qu’ils iraient le voir plus tard, que c’était pour les adultes et qu’on ferait une petite cérémonie entre nous. Comme Marc avait l’habitude de danser dans le salon avec eux un soir, nous avons mis la musique qu’il aimait et avons dansé ensemble pour lui dire au revoir de la plus joyeuse des manières.
Aujourd’hui, vous leur en parlez de manière très naturelle ?
Absolument. Chaque jour je m’adresse à lui avec les mots “ça rendrait fou ton père” ou “il doit être très fier de toi”. Marc leur a écrit une lettre que je leur ai lue à Noël dernier. C’est la lettre qui leur donne les clés du bonheur, alors je n’ai pas voulu attendre trop longtemps avant de la leur donner.
L’une des grandes préoccupations de Marc était que les enfants se souviennent très peu de lui ?
Oui, mais ça reste très présent. On en parle très spontanément. Et c’est la plus belle chose qui soit. Ils savent qu’ils ont un père. Qui est parti, bien sûr, mais qui n’est pas loin. Nous avons aussi beaucoup de vidéos, car j’ai monté toutes celles qu’il avait sur mon portable, ainsi que la mienne. Et ils sont très spirituels et très gais. Et je fais des petits shootings de temps en temps, parce qu’évidemment j’ai des moments de nostalgie, et je préfère décider de me rendre service que de me moquer de moi.
Comment vas-tu aujourd’hui ?
J’ai une tendance naturelle à être heureuse et je détesterai que les gens aient pitié de moi. Je provoque souvent, j’avance, toujours pour garder le contrôle et je suis très prompte à dire aux gens que je suis veuve, car je me suis retrouvée dans des situations cocasses. Quand je raconte mon histoire, soit c’est vide, soit j’ai honte, soit j’entends « Mais c’est terrible ! ou certains se mettent à pleurer et je me retrouve à les réconforter.
Vous semblez particulièrement calme ?
J’étais en colère au début. Le ciel m’est tombé sur la tête, d’autant plus que j’étais très bien conservé jusque-là. J’étais anéantie et j’avais du mal à l’accepter. Mais Marc m’a donné une magnifique leçon de vie en étant si courageux et en ayant le sens de l’humour jusqu’à la veille de sa mort, en riant de tout, sans tabous. C’était sa façon de faire et je l’ai suivi.
Dans la belle préface de votre livre, Delphine Horvilleur écrit : « Ce livre n’est pas triste. Il y a le pouvoir des grandes histoires d’amour dont on sait qu’elles sont immortelles… Aujourd’hui, je vois ses enfants grandir, non pas dans son ombre, mais dans sa lumière…”
Oui, je ne vois pas cela comme une injustice. Ce livre rend hommage à l’homme joyeux, sensuel, épicurien, curieux, magnifique avec qui j’ai eu l’incroyable opportunité de vivre une histoire merveilleuse. Et aujourd’hui je suis riche de son amour et de sa joie de vivre.